Et si notre passé ne tenait qu’à un fil ?

      Trois adolescents, trois époques différentes, une seule rencontre imminente et programmée bien trop tôt : celle avec la mort. A moins qu’une autre rencontre, celle avec un vieillard, et une décision, leur décision, ne fassent vaciller le cours des choses, sans pour autant modifier le futur… Car, qui n'a jamais eu envie de repousser l'heure de sa mort ? Qui n'a jamais eu envie de revenir en arrière pour effacer ses erreurs ?

       Il s’agit là d’un roman de science-fiction qui tient en haleine, jouant avec le temps et les lieux : l’auteur nous fait passer sans complexe de la Seconde guerre mondiale à 2011, en passant par 1956 et 1957, et invite ses lecteurs au voyage, de New-York à Washington, en passant par la forêt bavaroise.

 Time Riders est le premier tome d'une série de romans qui en compte neuf, écrite par l'auteur britannique Alex Scarrow et parue entre 2010 et 2014 aux éditions Puffin. Ces ouvrages ciblent principalement les jeunes adultes et adolescents.

L’auteur s’est essayé à plusieurs métiers tels que guitariste, graphiste ou encore concepteur de jeux vidéos. Attiré par le métier de scénariste de jeux, mais ne rencontrant pas le succès, il transpose ses scénarios à des nouvelles telles que « A Thousand Suns » (non parue en français). En 2006, il se lance dans l’écriture de la série Time Riders , dans laquelle il y explore, pour son plus grand plaisir, les idées et concepts avec lesquels il travaillait déjà dans l'univers des jeux. Time Riders sera ensuite une source d’inspiration pour les réalisateurs, qui adapteront la série au cinéma.

         Ce roman relate les péripéties d’une équipe, « Les Time Riders », des voyageurs du temps, composée de Maddy, 19 ans, qui sera l'analyste ; Sal, 13 ans, l'observatrice, et Liam, 16 ans, l'opérateur de mission, accompagné d'un clone au cerveau informatique, Bob, l'agent auxiliaire. Leurs missions ? Contrôler le bon déroulement de l'Histoire et conserver la ligne temporelle en l'état, pour empêcher toute personne de modifier le cours du temps, ce qui peut s’avérer dramatique. Leur première mission les conduira au cœur de la Seconde guerre mondiale, au moment même où le Führer s'apprête à gagner la guerre et réduire le monde en esclavage. Mais est-ce vraiment le Führer que nous connaissons tous ? Puis, ils se retrouveront à New York pour vivre en boucle les lundi 10 et mardi 11 septembre 2001, dates tristement célèbres…

Au fur et à mesure de la lecture, et parce que l’auteur nous invite rapidement à changer d’époque, ce roman peut nous amener à penser que le voyage temporel existe. En effet, il nous transporte en 2044, à la rencontre d’un physicien qui parviendra à construire une machine à explorer le temps, qu’il finira par détruire. Cependant, malgré ses alertes, d'autres savants se lanceront dans la reconstruction de la machine. Et quelques années plus tard, ils y parviendront, nous donnant l’illusion que le voyage temporel est possible. En effet, compte tenu des progrès spectaculaires de la technologie ces dernières années, pourquoi ne parviendrait-on pas à voyager dans le temps d’ici une vingtaine d’années ?

             Par cette démarche, l’auteur semble déterminé à semer le doute dans l’esprit des plus cartésiens, et voici un extrait illustrant son mode opératoire :

« - Le voyage temporel existe, les enfants.

Il marqua une longue pause après cette affirmation, laissant ses paroles flotter dans l'air.

- Un rapport de physique théorique a démontré en 2029 que c'était possible. Le premier prototype a été construit en 2044. (Il poussa un soupir.) La boîte de Pandore est ouverte, et on ne peut plus la refermer. »

En effet, qui n’a jamais rêvé, au moins une fois, de retourner dans le passé pour améliorer certains évènements, voire les changer pour rendre la vie meilleure. Ce procédé permettrait d’éviter les massacres, les misères, les guerres et les inégalités dans le monde, ou tout autre conflit. Mais, n’est-ce pas insinuer que, si le voyage dans le temps devient possible, la déviation de l’Histoire aussi ? Car intervenir sur le cours des évènements passés changerait radicalement l’Histoire telle que nous la connaissons aujourd’hui. Il n’y aurait alors plus de projection possible, l’avenir serait sans cesse bouleversé et aucun projet ne serait viable, comme précisé par l’auteur :

« La mine grave, il dévisagea les jeunes gens, son visage strié de rides présentait un teint cireux.

- Les hommes n'auraient jamais dû jouer avec le temps. Jamais ! Seulement, maintenant que nous savons comment faire, il est nécessaire de veiller à ce que personne n'y touche plus. Et si un inconscient décide de remonter le cours de l'Histoire, alors quelqu'un doit réparer les dégâts au plus vite. »

C’est pourquoi, dans ce roman, le défi de l’auteur était de préserver l’Histoire, tout en intervenant sur le passé, grâce à ce que l’on peut appeler « un effet papillon mesuré ».

         Egalement, à travers des chapitres courts qui nous font voyager, géographiquement ou temporellement, dans un style fluide et adapté à son public, l'auteur nous emporte dans un tourbillon d’évènements. Ce qui fait du livre une histoire originale !

En effet, chaque début de chapitre indique la date et le lieu de l’histoire, ce qui nous permet de nous repérer facilement. Un seul thème pour ce premier roman : la Seconde guerre mondiale. Facile à suivre et à lire, passionnant car ses allers-retours sont vraiment addictifs : il interrompt ses chapitres à des moments cruciaux. Il n'y a pas de temps morts, que des rebondissements, on a sans cesse de nouvelles informations, les personnages sont toujours en action.
De plus, le livre, du fait de sa couverture et après lecture du résumé au dos, ne semble pas, de prime abord, traiter de sujets sérieux. Il en est tout autrement : son contenu fait référence à des évènements historiques particulièrement dramatiques et sanglants, ce qui peut être paradoxal, dans la mesure où il s’agit d’un roman de fiction. Les événements auxquels l’auteur fait référence ici n’ont rien de fictifs, ils sont bien réels, ils font partie de l’Histoire.

Quant aux personnages, bien qu’ils  viennent tous trois d’une époque différente, ils sympathisent rapidement, sans que n’apparaissent de grandes disparités liées à leurs origines culturelles et géographiques, leur âge, leur vécu. Au travers de ces personnages, l’auteur a souhaité véhiculer certaines valeurs, en insistant sur leur adaptabilité, leur tolérance et leur solidarité en toute situation. En effet, les trois adolescents se retrouvent bloqués à New York en 2001, avec une vision des choses qui est propre à leur époque : Maddy, elle, n'a pas besoin de s'adapter car elle a 9 ans en 2001 et est originaire de New York. Liam et Sal, quant à eux, font preuve d'une adaptation rapide, malgré les années qui les séparent et leur pays d’origine : Sal vient de 2066 et est originaire d’Inde. Tout ce qui se trouve en 2001 est, pour elle, vieux et dépassé et New York à son époque est une ville fantôme. Quant à Liam, qui vient de 1912 d’Ecosse, tout est nouveau et incompréhensible, comme les écrans géants, les voitures puissantes, les hamburgers, les téléphones portables, les grattes ciels, les MP3.... Etant curieux, il demande des explications et la phrase qui lui est souvent répondue est : "On t'expliquera plus tard" !

Cependant, au-delà de ces aspects positifs, quelques points négatifs subsistent néanmoins : un manque d’informations sur les personnages, leur passé, leur famille, car rappelons-le, il s’agit d’adolescents qui évoluent seuls. Egalement, le fait de mener de front plusieurs histoires peut déstabiliser et perdre le lecteur rapidement.

            Mais quoi qu’il en soit, voilà une histoire plutôt originale ! Dès le départ, l’auteur nous promène dans le temps, en  alternant passé, présent et futur, et en nous imposant un rythme soutenu, qui nous fait retenir notre souffle, avec des personnages attachants. Ce roman de fiction est surprenant, tant par les valeurs transmises, que par les rebondissements invraisemblables ou encore, par la réelle prise de conscience qu’il véhicule : et si un simple battement d'ailes de papillon pouvait déclencher une tornade à l'autre bout du monde… ? L’effet papillon, ça vous dit quelque chose ?

GENIAUX Ilona