Plonger dans un monde difficile et méconnu, celui de la justice... L'intérêt de l'enfant de Ian McEwan

Première de couverture du livre

Utiliser des thèmes qui fâchent, à savoir la justice et la religion, ajouter un peu de drame, de pitié, de maladie, de l'amour, de la vieillesse et beaucoup de rebondissements et un soupçon de suspense, voilà ce qui semble être la recette utilisée par Ian McEwan pour écrire son inhabituel ouvrage dans lequel s'opposent la froideur de la justice à la candeur de l’enfant. Ce roman captivant nous montre la vie d'une juge, dont la vie professionnelle empiète beaucoup sur la vie privée.

Ce livre est paru en 2015. Il a été écrit par le célèbre auteur anglais Ian McEwan, né en 1948, considéré comme « l'un des auteurs les plus brillants de notre époque »(magazine « Publishers Weekly ») et qui a reçu de nombreux prix pour ses ouvrages, les plus connus étant Amsterdam(1998), Solaire(2012),Sur la plage du Chesil(2008), Expiation(2003)...

L'histoire met en scène une juge aux affaires familiales, bientôt à la retraite, Fiona Maye. Elle est obnubilée par son travail, et hantée quelquefois par les visages des enfants qu'elle a condamnés ou sauvés (surtout depuis une affaire où elle a ordonné de séparer deux frères siamois, ce qui avait occasionné le décès du plus faible), au point de délaisser son mari, Jack. Ce dernier veut la quitter pour une femme plus jeune car, d'après lui, elle a « perdu le sens de la fête ». Ils décident donc de se séparer. Fiona reste seule et perdue.

Le même jour, elle reçoit une demande d'audience en urgence. Il s'agit d'un jeune homme presque majeur, Adam Henry, atteint de leucémie. D’après l’hôpital, son cas est critique et seule une transfusion de sang peut le sauver. Mais, comme ses parents, Adam est Témoin de Jéhovah et est très attaché à sa religion et les textes de celle-ci, qui ordonne de ne pas recevoir le sang d’un autre dans son corps. Fiona doit choisir entre le respect de la religion du jeune homme et sa vie.

Ce roman a de bons et de mauvais côtés car, d’abord, les thèmes judiciaires et religieux ne sont pas ceux que nous lisons habituellement. De plus, certains personnages sont un peu trop sérieux et impitoyables : les parents du jeune malade Adam Henry et Fiona Maye en sont la preuve. Les premiers préfèrent le respect de leurs croyances à la vie de leur fils unique et la juge délaisse son mari, est obligée de trancher entre deux parties et, lors des procès comme dans la vie privée, se montre assez froide envers les autres personnages. Enfin, l’auteur cite des textes inconnus pour qui ne travaille pas dans la justice…

Mais d’un autre côté, certains aspects du roman sont très appréciables. Par exemple, l’attitude de Fiona est compréhensible car, comme il l’est bien écrit dans le livre, ses études ont duré très longtemps et son travail l’occupe beaucoup, ce qui explique pourquoi son mari trouve qu’elle a perdu sa joie de vivre. De plus, elle se montre froide car, dans son métier, elle doit être impartiale mais prend tout de même des décisions justes en considérant l’intérêt de l’enfant, qui montre que les enfants doivent avoir un cadre social stable et de l’amour de la part de leurs parents. Certains passages du livre nous prouvent à quel point elle réfléchit, à quel point elle est hantée par ses affaires qui sont souvent difficiles à résoudre.

En outre, l’autre personnage principal, Adam Henry est notre favori car il est très attachant, ambigu et a à la fois une candeur, un humour et une intelligence étonnants pour son âge (dix-sept ans). Quand Fiona lui rend visite à l’hôpital juste après l’audience, l’auteur nous décrit Adam en utilisant de nombreuses hyperboles et images (métaphores et comparaisons) ce qui produit un effet d’admiration que nous avons particulièrement ressenti. La discussion qui suit la description du jeune homme est assez troublante pour Fiona et pour le lecteur car il se moque implicitement d’elle en répondant d’une manière improbable à ses questions et en changeant de sujet assez brutalement plusieurs fois : par exemple, ils se mettent à parler des poèmes que l’adolescent écrit, et de son apprentissage du violon pendant sa convalescence. En outre, nous remarquons une autre conversation du même genre vers la fin, encore plus loufoque et importante que celle décrite plus haut

Enfin, ce récit contient beaucoup de péripéties, de rebondissements et de suspense (la fin est assez inattendue..). Il est aussi très réaliste car ce genre d’histoire pourrait très bien arriver à quelqu’un de notre entourage et il utilise des thèmes d’actualité (choc entre religions et justice). Le registre littéraire est assez difficile à définir car c’est un mélange entre plusieurs comme le registre pathétique et un peu d’épique. La partie qui se passe à l’hôpital (dialogue entre Fiona et Adam) est très réussie puisque c’est un des moments les plus importants du roman et qu’elle permet de nous faire découvrir le deuxième personnage principal. Vers, la fin, une autre conversation du même genre loufoque mais dans d'autres circonstances, se passe. Cette dernière est un des moments riches en émotions du livre, mais nous n'en diront pas plus, pour ne pas dévoiler la fin...

Pour conclure, nous conseillons ce roman, qui n’est pas très long, à n’importe quel adolescent ou adulte sensible, cela peut permettre au lecteur de s’immerger dans un monde fermé, celui de la justice. Même si les thèmes sont très discutés, c’était une lecture très enrichissante par son réalisme et l’émotion qu’elle procure.

Cléa TASSAN-TOFFOLA 2°7