Un soir, vers la fin de juin, comme il fumait une cigarette à sa fenêtre, la grande chaleur de la soirée lui donna l’envie de faire une promenade.
Il demanda : — Ma petite Made, veux-tu venir jusqu’au Bois ?
— Mais oui, certainement.
Ils prirent un fiacre découvert, gagnèrent les Champs-Élysées, puis l’avenue du Bois-de-Boulogne. C’était une nuit sans vent, une de ces nuits d’étuve où l’air de Paris surchauffé entre dans la poitrine comme une vapeur de four. Une armée de fiacres menait sous les arbres tout un peuple d’amoureux. Ils allaient, ces fiacres, l’un derrière l’autre, sans cesse.
Georges et Madeleine s’amusaient à regarder tous ces couples enlacés, passant dans ces voitures, la femme en robe claire et l’homme sombre. C’était un immense fleuve d’amants qui coulait vers le Bois sous le ciel étoilé et brûlant. On n’entendait aucun bruit que le sourd roulement des roues sur la terre. Ils passaient, passaient, les deux êtres de chaque fiacre, allongés sur les coussins, muets, serrés l’un contre l’autre, perdus dans d’hallucination du désir, frémissant dans l’attente de l’étreinte prochaine. L’ombre chaude semblait pleine de baisers. Une sensation de tendresse flottante, d’amour bestial épandu, alourdissait l’air, le rendait plus étouffant. Tous ces gens accouplés, grisés de la même pensée, de la même ardeur, faisaient courir une fièvre autour d’eux. Toutes ces voitures chargées d’amour, sur qui semblaient voltiger des caresses, jetaient sur leur passage une sorte de souffle sensuel, subtil et troublant.
Bel ami de Guy de Maupassant, chapitre 2, deuxième partie
On voit tout d’abord que comme sur la photo, la scène se déroule au Bois de Boulogne à Paris. Dans le texte, on nous dit que la balade des deux personnages se déroule durant une chaude soirée d’été, et la photographie de Charles Marville exprime bien cette idée de chaleur également. On peut apercevoir un chemin au dessus des cailloux sur la photo, on peut associer ce chemin à la balade de Madeleine et Georges. L’obscurité est également développée dans le livre de Maupassant, on retrouve cette obscurité sur la photo avec la grotte qui surplombe le lac du Bois de Boulogne.
Paul Jackson